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Historique du Printemps de Bourges

« Le Printemps de Bourges doit devenir, pour tous ceux qui s'intéressent à la chanson, un lieu de création, d'expression et de confrontation sur la chanson d'aujourd'hui. » C'est par cette phrase que Daniel Colling, fin 1976, présente un concept nouveau : un Festival de chanson, en plein cœur d'une ville moyenne de province, et qui doit se dérouler pendant les vacances de Pâques.
Cette phrase, on peut la conjuguer au présent. Il suffirait de changer le mot « chanson », trop restrictif aujourd'hui, par « musiques actuelles » ou « musiques populaires », et on retrouverait aujourd'hui presque à l'identique l'esprit et la forme du premier Printemps de Bourges, tels que l'entendent son fondateur et ses complices, Maurice Frot et Alain Meilland.
Depuis que cette phrase a été écrite, il est passé à Bourges 3229 artistes et groupes en vingt-neuf Printemps - trois décennies d'histoire des musiques populaires, Léo Ferré et Dominique A, NTM et Juliette Gréco, U2 et Cesaria Evora, Jean-Louis Murat et Jacques Higelin, les Têtes Raides et Anne Sylvestre...

1977-1982 : l'envol d'une idée neuve

Alors que règne à la télévision et à la radio la variété à paillettes des Dalida, Sardou et Mireille Mathieu, toute une partie de la chanson française peine à atteindre son public. L'envie qui motive le premier Printemps de Bourges, du 6 au 10 avril 1977, est de rassembler « l'autre chanson ».
La forme est originale : en cinq jours, une quarantaine d'artistes et vingt concerts à la Maison de la Culture, dans un chapiteau monté place Séraucourt et au théâtre Jacques Cœur. Il y a là François Béranger, Jacques Higelin, Dick Annegarn, Bernard Lavilliers, Leny Escudero, Henri Tachan, Catherine Ribeiro, Colette Magny, Font et Val, Julos Beaucarne, Jacques Bertin, Mama Béa Tekielski, Joël Favreau, l'Haïtienne Toto Bissainthe, les Occitans Joan Pau Verdier et Marti : toutes les manières de chanter autrement, les chanteurs au drapeau noir et les chanteurs au drapeau rouge, les identitaires et les poètes, les nouveaux troubadours et les chercheurs d'une chanson nouvelle, ceux qui gueulent contre le vieux monde et ceux qui rêvent du monde futur, les « trad » et les électriques...
Pour ne pas totalement dépayser le public « adulte », le Printemps a aussi invité les Frères Jacques et Serge Reggiani, mais aussi Charles Trenet, qui va chanter sous le grand chapiteau de 4000 places, après un hommage de la jeune génération, emmenée par Jacques Higelin. Le fou chantant sera fou de joie de la rencontre avec un public majoritairement très jeune.
Le premier Printemps est un succès : presque 13000 billets vendus. Mais les relations entre le Printemps et une partie des Berruyers ne sont pas vraiment au beau fixe. Protestations des riverains et craintes des commerçants accueillent le débarquement des « Indiens », comme on appelle ce public à cheveux longs, sac à dos et bourse vide... Il faudra quelques années pour que la ville adopte vraiment son Festival.
Dès sa deuxième édition, le Printemps est sur une pente irrésistiblement ascendante : quatre-vingt artistes, quarante-cinq concerts et 25000 spectateurs en cinq jours. Sept jours et 40000 spectateurs en 1979, neuf jours et 50000 spectateurs en 1981... Mais, chaque année, il faut renégocier le budget avec la Maison de la Culture, débattre de la survie même du Festival...

Années 80 : le Festival des réalités nouvelles

En 1982, avec l'arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture, la donne change : l'Etat commence à subventionner le Printemps de Bourges, eut égard à sa position unique parmi les festivals français. La région Centre et le département du Cher vont compléter à partir de 1986 le partenariat des puissances publiques.
Les années 80 vont voir passer à Bourges toute la scène française, des classiques plus ou moins jeunes (Léo Ferré, Yves Montand, Francis Cabrel, Serge Gainsbourg, Michel Jonasz, CharElie Couture, Charles Aznavour, William Sheller, Francis Lalanne) à toutes les nouvelles sensibilités (Indochine, Stephan Eicher, Etienne Daho, Daniel Balavoine, Alain Bashung). Mais le Printemps va être aussi le théâtre du déferlement du rock nouveau : The Cure en 1982, U2 en 1983, Simple Minds en 1984, etc...
Depuis le premier Printemps, il y a à Bourges des scènes ouvertes (c'est d'ailleurs là qu'a été inventée cette expression). Les fameuses Découvertes apparaissent en 1986 pour signaler des groupes et artistes repérés par les « antennes » du Printemps partout en France - et certaines années à l'étranger. On y verra Chanson Plus Bifluorée et les Hot Pants de Manu Chao (1986), la Mano Negra (1988), les Têtes Raides (1989), Zebda (1990), Faudel (1996), Madeleine Peyroux, Paris Combo et Lhasa (1997), Bams (1999), Jeanne Cherhal (2001), Nosfell (2004), Anaïs (2005)...
Le Printemps invente aussi de nouvelles formules à l'intérieur de la programmation festivalière : Musiques buissonnières (pour le classique), Maximômes (spectacles pour enfants), un abondant cycle de spectacles d'humour (on se souvient de performances historiques de Pierre Desproges), les Hors jeux (spectacles de rues), les Pêchés de chère (soirées associant musique et gastronomie)...
Au 10e Printemps, en 1986, on atteint 125000 spectateurs, dix fois plus qu'en 1977. Et le record est encore battu en 1987 avec 133000 spectateurs payants. Mais en 1989 le Printemps, souffrant de gigantisme, est contraint de déposer son bilan mais n'en continue pas moins son activité.

1990-1998 : le Festival post-moderne

Le nouveau départ du Printemps, en 1990, voit l'irruption du rap, avec Public Enemy ou, l'année suivante, une légendaire conférence de presse commune de NTM et Juliette Gréco. Le Festival est aussi la tête de pont de l'ouverture historique du public français aux musiques du monde, depuis quelques années (on se souvient du plus gros concert du Printemps : les 18000 spectateurs de Johnny Clegg en 1988). Les années 90 le voient radicaliser ce choix-là, accueillant toutes les vedettes de la world music : Khaled, Youssou N'Dour, Salif Keita, Kassav', Rachid Taha, Cheb Mami, Ray Lema, Cesaria Evora, Papa Wemba, Lucky Dube, Manu Dibango, Danyel Waro, Compay Segundo, Yuri Buenaventura, Madredeus, I Muvrini... Et c'est sous le grand chapiteau de Bourges que se manifeste le plus spectaculairement la passion française pour le reggae, des Wailers en 1997 à Massilia Sound System à cinq reprises.
Le Festival affronte aussi la complexité du marché musical en épousant ses contours changeants : diverses tribus rock ou électro, variété grand public et chanson exigeante, électro et rock, Rita Mitsouko et Eddy Mitchell, Négresses Vertes et Henri Salvador, Joe Cocker et MC Solaar, Patricia Kaas et Blur, Noir Désir et Worlds Apart... C'est cet élargissement tous azimuts qui manque, une fois de plus, d'entraîner la fin du Printemps, en 1998.
Mais, entre temps, le Printemps est devenu le plus grand rendez-vous des professionnels des musiques populaires, notamment avec le salon professionnel international Tam Tam France. Il a aussi importé en France les Magic Mirrors, chapiteaux de bois et de miroirs venus de Belgique et adoptés depuis par cent autres festivals en France. Et, avec « Le Printemps dans la ville », il a fini de se réconcilier avec Bourges en structurant l'abondante programmation de concerts dans les bars pendant le Festival.

1999-2012 : le retour aux sources

Dans les années 90, le Printemps a de nouveau dépassé la barre des 100000 spectateurs. Avec sa nouvelle équipe de programmation, Daniel Colling décide à partir de 1999 de revenir à ses valeurs fondamentales d'origine, la découverte et l'audace. Rock « pointu », créateurs les plus féconds de l'électro, nouveaux chanteurs français : le Printemps redevient la caisse de résonance des nouveautés les plus passionnantes du moment, de Yann Tiersen à Vincent Delerm, de Dionysos aux Têtes Raides, de Souad Massi à Tiken Jah Fakoly, de Bénabar à Susheela Raman, de Cali à Franz Ferdinand... C'est là que se confirment ou se dégonflent les « buzz », que se révèlent les valeurs scéniques, que se réévaluent les hiérarchies.
C'est également à cette période, en 2000, que le label Découvertes, en association avec la Fnac, devient « Attention Talent Scène, les Découvertes du Printemps de Bourges et de la Fnac ».
Le format du Festival est désormais volontairement cadré autour des 50000 places, avec un taux de remplissage qui dépasse les 95% : plutôt que sur des jauges énormes, le Printemps mise plus sur l'excellence et la pertinence de sa programmation, conquérant une influence et une légitimité qu'il n'avait jamais connues jusqu'alors dans son histoire.